- STRAUB (J.-M.)
- STRAUB (J.-M.)STRAUB JEAN-MARIE (1933- )Le nom de Jean-Marie Straub, né le 8 janvier 1933 à Metz, doit être associé à celui de Danièle Huillet — coauteur de tous ses films —, qu’il épouse en 1959. Son enfance se déroule sous le signe des cultures française et allemande. Après la Libération et un passage chez les Jésuites, il entreprend des études de lettres et aspire à la carrière d’écrivain. Straub est d’abord marqué par le cinéma de Grémillon et de Carné. Mais, en 1950, Les Dames du bois de Boulogne , de Robert Bresson, va déterminer son évolution. À Paris, en 1954, il se lie avec Jacques Rivette (il collabore à son premier court-métrage, Le Coup du berger ) et le groupe de la Nouvelle Vague, en particulier François Truffaut. Assistant de Gance, Renoir, Astruc et Bresson, il refuse, en 1958, de combattre en Algérie et se réfugie en Allemagne, ce qui fait de lui un cinéaste allemand ou français (une fois amnistié), puis italien, puisqu’il s’installe à Rome en 1969.Il se fait connaître, dans la vague du «jeune cinéma allemand» des années 1960, par deux adaptations de Heinrich Böll, un court-métrage, Machorka Muff (1963), et un long-métrage, Nicht versöhnt (Non réconciliés ou Seule la violence aide là où la violence règne , 1965), qui inscrivent d’emblée son œuvre sous le signe de l’opposition au pouvoir dans ce qu’il a de plus dévastateur (le nazisme). Le réalisateur se signale déjà par un style d’une intransigeance rare, d’où est exclue toute concession à la séduction spectaculaire, où règnent la concentration et l’ellipse. Mais c’est avec le «Bach-Film» que Straub est enfin reconnu, et déchaîne haines et passions. En effet, Chronique d’Anna-Magdalena Bach (1967) met définitivement en place le système straubien: confrontation d’un texte (entre autres, les «Chroniques» d’Anna-Magdalena) et d’une matière (la musique de Bach).Après un court-métrage brechtien, Le Fiancé, la comédienne et le maquereau (1968), «né sous le coup de l’impossible révolution parisienne de Mai» et auquel participent Fassbinder et son «antithéâtre», il tourne, à Rome, le plus controversé de ses films, Othon , 1969 (ou «Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer», ou «Peut-être qu’un jour Rome se permettra de choisir à son tour»), d’après une pièce tardive, peu connue et des plus politiques, de Corneille.Dès lors, le couple Straub-Huillet va représenter la «marge» indispensable: un cinéma minoritaire qui sert de référence morale et esthétique (avec la part nécessaire de «terrorisme» qui en fait aussi, pour certains, un repoussoir), constitué d’œuvres exigeantes, politiques et quelque peu puritaines: Leçons d’histoire , d’après Brecht (1972, R.F.A); Introduction à la «musique d’accompagnement pour une scène de film» d’Arnold Schönberg (1972, R.F.A.); Moïse et Aaron (1974), d’après l’opéra de Schönberg; Fortini/Cani , d’après Les Chiens du Sinaï de Franco Fortini (1976); Toute révolution est un coup de dés (1977), d’après Mallarmé; De la nuée à la Résistance (1978), d’après Pavese; Trop tôt, trop tard (1981); Amerika, rapports de classe (1984), d’après Kafka; La Mort d’Empédocle (1987), d’après Hölderlin, que prolonge Noir Péché (1989), et Cézanne (1990).Dans un cinéma de plus en plus dominé par l’«industrie culturelle» et une esthétique issue de la télévision, la publicité ou l’art vidéo, les films de Straub ne cessent de rappeler une exigence morale et politique radicales, tant dans leur propos (la résistance à toute forme de pouvoir totalitaire, y compris culturel) que dans leur démarche (bazinienne), tendue vers un retour aux origines du cinématographe: apprendre à voir et à écouter le monde tel qu’en lui-même, jouer le regard contre l’image.
Encyclopédie Universelle. 2012.